Hello à tous·tes !
Notre carte collective pour le mois de juillet est… la Folle !
Celle-là, ça fait longtemps que je l’attendais. La Folle est une carte importante, non seulement parce que c’est la première, mais aussi parce qu’elle a un rôle très particulier dans le tarot (je vous explique lequel après, évidemment).
Petite parenthèse “orthographe” : j’essaye toujours d’utiliser une écriture inclusive pour le nom des cartes, et comme celle-ci s’appelle traditionnellement le Fou (ou le Mat dans le tarot de Marseille, au passage), j’ai pensé à utiliser le terme Foulle ou Fou·lle mais, j’avoue, je trouve que ça sonne vraiment pas ouf (jeu de mots !)… Donc j’ai opté pour le féminin neutre pour cette lettre : ça sera la Folle, et j’utiliserais des pronoms neutres.
La Folle est la carte 0, un chiffre en forme d’oeuf qui symbolise le potentiel absolu, le vide originel avant que tout commence. Iel représente la pulsion de vie, la première inspiration d’un nouveau née, ou celle d’une personne qui étouffait depuis trop longtemps, annonçant le début de cette quête de liberté dans laquelle le tarot nous entraine.
Cette carte illustre la naissance du désir de trouver sa voie, en dehors des sentiers balisés et impitoyables de nos sociétés capitalistes et patriarcales, un saut dans le vide courageux signant le début du voyage de déconstruction et d’introspection proposé par les cartes.
Le voyage de la Folle
Si cette carte est si particulière, c’est qu’on considère souvent que la Folle est l’héro·ine du tarot. Les 22 arcanes majeures du tarot sont surnommées “le voyage du Fou / de la Folle”, elles illustrent un chemin initiatique à la découverte de sa véritable nature, et la Folle est la personne qui marche dessus.
Certain·nes voit dans ce·tte vagabond·e notre âme venue s’incarner sur terre : au fil de l'histoire allégorique illustrée par les cartes, elle viendra expérimenter tout le spectre de l'expérience humaine et apprendre les leçons spirituelles nécessaires à son évolution. D’autre personne considère que ça n’est pas la première carte du tarot, mais la dernière, le but ultime, ou alors qu’elle n’a pas véritablement de place, qu’elle est partout à la fois, un peu comme un joker, qui est “l’évolution” de la Folle du tarot, dans nos jeux des cartes modernes !
La Folle est une carte sans numéro fixe, une carte libre et imprévisible (une wild card) : ce qu’on retrouve dans le concept du joker, pouvant faire basculer le jeu à n’importe quel moment, ainsi que dans le personnage qu’il a inspiré, notamment celui de Batman qui incarne une personnalité hors du système, un perturbateur fou et rebelle.
Revenons au voyage de la Folle : quand iel commence son exploration, iel cherche à répondre à la question que nous nous posons tous·tes : « Qui suis-je ? ». C'est cette interrogation existentielle qui lae pousse à se lancer dans l'aventure qui va nous être racontée par le tarot, c'est aussi la nôtre quand nous décidons d'apprendre à lire les cartes !
Pour commencer son voyage, la Folle se demande « qui n'ai-je pas envie d'être ? ». Iel veut s'affranchir des injonctions de la société pour trouver son propre chemin, en dehors des sentiers battus et des rôles prédéfinis. Iel cherche à cultiver son individualité en se définissant par sa singularité, à faire un saut dans le vide et en dehors de la norme, comme l'image nous le suggère :
la Folle est debout au sommet d'une montagne, au bord du vide, le regard tourné vers l'horizon et l'infini des possibles qui l'attendent. Le chien qui l'accompagne représente son instinct, son côté impulsif et spontané. Avec son baluchon sur l'épaule, la Folle m'évoque un·e jeune backpackeur·euse partant faire le tour du monde afin de « se découvrir ellui-même ».
Pour moi, ça veut dire beaucoup que l’héro·ine du tarot s’appelle la Folle, un terme qui évoque un esprit libre et anti-conformiste : un rappel que le but du tarot est d’apprendre à penser par nous-même, de nous libérer des injonctions de la société afin de devenir qui nous sommes.
Folie & anti-conformisme
Le nom de cette carte vient des fous du Moyen-âge, ces clowns vagabonds, généralement issus d'un milieu social modeste, chargés de divertir le Roi et sa cour. Mais les fous avaient une position très particulière dans la société de l'époque, puisqu'ils étaient les seuls autorisés à avoir une certaine liberté d'expression et à critiquer le pouvoir, sous couvert de caricature ou de satire. Les fous, sous leurs airs innocents et leur allure grotesque, ont peut-être planté les graines de nombreuses contestations et révolutions… !
La fête des fous était une tradition médiévale en Europe, un jour dans l'année où tout le monde avait le droit d'être « fou » et de critiquer l'État et l'Église. C'est l'ancêtre de nos carnavals, qui ont souvent perdu ce côté subversif aujourd'hui. Ces célébrations comportaient des parodies de rites religieux, où les participants se déguisaient en clergé, des chants satiriques et des danses.
Elles offraient une catharsis, un espace de liberté d'expression où les critiques sociales et politiques étaient tolérées, une façon de libérer sa frustration avant le retour à la normale et à l'obéissance collective.
(PS : c’est une de ces “folles journées” qu’on voit représenter dans le dessin animé “Le bossu de Notre-Dame” ! Je vous invite d’ailleurs à le revoir, en vrai il est franchement subversif comme Disney).
J'ai toujours trouvé que le nom de l’héro·ine du tarot apportait implicitement une portée dissidente au jeu, puisque c'est un terme qui a souvent été utilisé pour désigner les personnes rebelles ou anticonformistes dans nos sociétés. Sont étiquetés fous et folles ceux et celles qui dérangent les structures établies ou simplement osent être autrement. L'expression « fou » a été utilisée politiquement pour discréditer et éloigner les opposants dans certains régimes autoritaires, en les enfermant en institutions psychiatriques, par exemple en Union soviétique.
Les opposants au mouvement des suffragettes ont qualifié les militantes de « folles » ou d'« hystériques », une expression utilisée contre les femmes qui défiaient l'ordre social patriarcal et servant (encore aujourd'hui) en psychiatrie pour discréditer la parole des femmes en souffrance. Un dernier exemple : l'homosexualité n'a été retirée du DSM, le manuel qui répertorie les différents troubles mentaux, qu'en 1973 !
Pour le pouvoir en place, il y a donc les gens « normaux » d'un côté (littéralement « les gens qui suivent la norme ») et les folles de l'autre. Le sens du terme évolue selon les habitudes, les dogmes et les croyances qui dominent, mais ce qui ne change pas, c'est la connotation péjorative qu'il lui donne, afin de décourager toute personne qui serait tentée de suivre leur exemple.
PS : C’est drôle parce qu’il y a le livre “Folie et résistance” de Claire Touzard, qui vient de sortir, je ne l’ai pas encore lu mais j’ai regardé son entretien sur Blast il y a deux jours, et elle explore tous ces sujets, je vous le recommande !
La pensée libre
Une expression populaire dit pourtant que ceux et celles qui pensent et font différemment sont souvent traités de fous avant d'être appelés des génies. La folle, c'est aussi l'artiste excentrique aux œuvres inspirées, lae génie touché·e par la grâce, lae mystique en extase. Dans la plupart des religions, on trouve des exemples de fous ou folles considérés comme des saint·es ayant une connexion spéciale avec le divin.
La folie est un comportement qui n'est pas dicté par la raison, un état de conscience libre et primitif. Si la Folle fascine et effraie à la fois, c'est qu'iel ne semble pas soumis au paradigme cartésien qui domine aujourd'hui sur terre. Par ses œuvres, ses mots ou ses comportements, iel ouvre des portes qui nous laissent apercevoir d'autres réalités que celles que nous présente la société.
À l'image de notre héro·ine, mu·e par une inspiration divine (iel regarde vers le ciel), qui le pousse à s'émanciper des conventions sociales, à emprunter des chemins révolutionnaires afin de découvrir qui iel est vraiment. Son nom trahit le type d'aventure qui va nous être racontée par le tarot, une quête de sens qui va du normal jusqu'à l'incroyable, du rationnel jusqu'au spirituel. La quête spirituelle devient ici une démarche de libération face à une société normative et une vision du monde mécanique et étriquée.
La Folle nous rappelle que, pour découvrir qui nous sommes, nous devons commencer par nous émanciper des normes qui ont façonné notre identité et avoir le courage de partir à l'aventure, sans modèle et sans GPS. Iel nous invite à faire confiance à notre instinct et à notre intuition, à emprunter des chemins atypiques, et tant pis si les autres nous traitent de folle !
Comment incarner la Folle ce mois-ci ?
Pour commencer, demandons - nous : si tout était possible, qui aimerais-je être, qu’est-ce que j’aimerais faire ? Toute aventure commence par une (bonne) question.
Faisons un truc fou : même une micro folie, un truc inhabituel, comme porter ce vêtement que vous n’avez jamais osé sortir du placard, invitez cet·te inconnu·e à prendre à verre. Ou une macro folie : démissionnez de votre travail, quittez votre conjoint·e, renversez la table et changez de vie.
Questionnons les normes : ça veut dire quoi d’ailleurs “normal”, et est-ce qu’on a vraiment envie de l’être ? Sans vouloir romantiser les maladies mentales pour autant, est-ce qu’on ne devrait pas un peu plus assumer notre “folie”, notre différence ?
Dans la prochaine lettre, je vous donne mes ressources pref pour explorer cette question. D’ici là, prenez soin de vous !
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Réserver une séance de tarot avec moi : tu traverses une période de changement, tu te sens bloqué·e ou alors dans le flou intersidéral ? Je te tire les cartes pour trouver plus de confiance et de clarté ce mois-ci ! Je continue les séances de tarot jusqu’à fin juillet, ensuite je serais off en août.
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